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La Laïcité et la VI° République.

Retour sur le café citoyen du 17 novembre à Paris.

lundi 22 novembre 2010, par Bernard VIVIEN

C’était mercredi 17 novembre, la première initiative parisienne depuis longtemps, due à l’énergie de Maya Akkari, conventionnelle par ailleurs chargée de l’animation locale à la Mairie du 18° arrondissement. Malgré le temps maussade ce fut une belle réussite dans ce café accueillant Le Bercy, près de la gare de Lyon. Il faut dire que les intervenants garantissaient la qualité du débat. Jean Baubérot est un des meilleurs spécialistes de la laïcité en France, titulaire qu’il était de la Chaire d’histoire et de sociologie de la laïcité à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Et Jean-Louis Auduc, Directeur de l’IUFM de Créteil est connu pour être un excellent connaisseur de ces questions.

En voici le compte-rendu que nous devons à Paul Alliès.

La Laïcité et la VI° République

Jean Baubérot a abordé la question à partir de l’interrogation : pourquoi assiste-t-on à un tournant laïque vers la droite et même l’extrême-droite ? Alors qu’elle fut pendant un siècle le vecteur du combat républicain des Lumières, pourquoi devient-elle l’occasion de toutes les fermetures et sectarismes ?

Il faut reprendre cette histoire pour imaginer son actualisation par une VI° République.

Le point de repère le plus commode et complet est sans doute le « Dictionnaire pédagogique » de Ferdinand Buisson qui donne en 1883 la définition la plus complète de la laïcité et du processus historique dont elle est le fruit. Elle est d’abord le résultat d’une lente différenciation des institutions ; elle atteint un stade nouveau avec la liberté de conscience proclamée par la Déclaration des Droits de l’Homme ; elle fonde l’indépendance de l’Etat vis-à-vis des cultes pour assurer l’égalité des citoyens devant la loi ; enfin elle garantit la neutralité de l’Etat par rapport à toutes les religions quelles que soit leur influence.

C’est ce corpus qui a inspiré la grande loi libérale de 1905. Si cette tradition se perd aujourd’hui c’est sans doute à cause du legs (un de plus) d’une colonisation que la France a menée au mépris des grands principes républicains. La laïcité est restée hexagonale et cette non-application de la loi de 1905 dans l’Empire revient aujourd’hui comme un boomerang. L’ultra-laïcisme devient un instrument de l’anti-islamisme et au-delà de toutes les fermetures à l’altérité. Depuis 2007 sous l’impulsion de Dominique De Villepin, c’est le Haut Conseil de l’Intégration qui est chargé de faire des propositions sur la laïcité comme si celle-ci ne concernant que les immigrés toujours considérés comme musulmans, comme au temps de l’Algérie coloniale.

On n’aurait garde d’oublier que ce fut là le premier pas franchi vers le funeste Ministère de l’identité nationale. L’autre facteur de régression laïciste c’est le dépérissement du législateur, véritable cancer de la V° République : tous les textes fondateurs de la laïcité ont été adoptés après de grands débats de principes ; aujourd’hui la législation ne se fait qu’au cas par cas et le politique n’intervient qu’au gré d’affaires souvent instrumentalisées par le pouvoir ou des groupes réactionnaires. Le résultat c’est une République française de plus en plus en retard sur les monarchies constitutionnelles dans le domaine de législations qui procèdent de la ferme indépendance de l’Etat (par exemple sur le mariage homosexuel, l’avortement, l’euthanasie). Tout se passe comme si elle cédait toujours plus de terrain à de nouveaux cléricalismes produits par l’avènement du règne de la marchandise et l’idéologie de la concurrence généralisée.

La VI° République devra donc assurer un recentrage sur l’Etat laïque ce que concrétisait le débat fort nourri avec les participants.

Jean-Louis Auduc le prolongeait fort opportunément en revenant au socle de la laïcité. Reprenant Jaurès pour qui le premier grand acte laïque c’était l’Etat civil, il disait la force de cette pédagogie qui permet de vivre de manière autonome et athée les trois actes essentiels de l’existence : la naissance, le mariage et le décès sont des institutions strictement civiles laissant à chacun le soin de les prolonger ou non par ses croyances religieuses.

Il faut donc préserver cette séparation du cultuel et du culturel qu’avait si bien fondé la loi de 1905. L’enseignement du fait religieux par exemple, doit se faire aujourd’hui non pas par l’exposé des versions religieuses mais par le traitement anthropologique de ce qu’elle ont en partage dans leur symbolique par exemple l’Eau, la Montagne... Et la laïcité doit régir tout ce qui est l’administration de l’intérêt général ou de biens communs que ce soit à l’école ou à l’hôpital.

Toutes ces questions ont été esquivées au cours de ces dernières années. Peut-être le raidissement provoqué par les débats sur la Charte des droits fondamentaux annexée au projet de Traité constitutionnel européen en 2005 a-t-il facilité la perte de sens libéral de la laïcité au sens de l’émancipation qu’elle facilite de chaque individu à sa manière et à son rythme. Il faudrait donc réfléchir à l’élargissement du fondement de nos principes à valeur constitutionnelle en ajoutant à la Déclaration de 1789 et au Préambule de 1946, la Convention européenne des droits de l’homme de 1950. Un tel ancrage européen aiderait à l’universalisation de la laïcité comme la République l’a construite depuis plus d’un siècle. Ce serait un moyen de droit pour lutter contre tous les replis sectaires et nationalistes.

En tout cas l’élargissement des réflexions de la C6R à des thèmes sociétaux et pas seulement institutionnels apparaît comme le gage d’une rénovation de la pensée d’un nécessaire changement de régime.
Paul Alliès

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