Réunis pour leur cinquième université d’été à Jarnac, le mercredi 26 août dernier, autour d’Arnaud Montebourg, de François Colcombet, de Paul Alliès et de Jérôme Royer, les militants de la C6R ont participé, dans l’après-midi, à un débat riche et nourri sur les attaques inquiétantes que subissent les contre-pouvoirs démocratiques dans notre pays depuis l’élection de Sarkozy à la présidence de la République.
Pour illustrer la situation des médias, Edwy Plenel (fondateur de « Médiapart », ancien directeur de la rédaction du « Monde ») a rappelé qu’aucun espace démocratique ne pouvait vivre et se développer sans la construction libre de vérités factuelles permettant aux opinions politiques de se forger de manière autonome sur la base d’informations fiables. En effet, il est très important de rappeler qu’en démocratie, il ne suffit pas de penser politiquement juste pour informer vrai. C’est pourquoi le 1e amendement à la Constitution des Etats-Unis d’Amérique reconnaît la liberté de la presse comme un droit en soi, contrairement à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui y autorise des restrictions. Or, aujourd’hui en France, la liberté d’informer connaît des atteintes préoccupantes, comme l’extension du domaine du secret-défense.
Pour garantir cette liberté fondamentale, E. Plenel a formulé cinq pistes de travail :
– La généralisation du droit d’accès des citoyens à la "mémoire publique" ;
– L’obligation faite aux propriétaires de titres de presse, de chaînes de radio ou de télévision ou de sites d’information d’être de véritables entrepreneurs du secteur des médias ;
– Garantir réellement le secret des sources ;
– Créer un statut européen de sociétés de médias à but non lucratif, qui seraient exonérées de TVA ;
– Refonder les droits et les devoirs des journalistes et du public.
Pour conclure, E. Plenel a jugé que la concrétisation de ces propositions, alors que le secteur des médias est l’un de ceux qui subit le plus profondément les conséquences de la révolution numérique, qui n’est rien moins que la 3e révolution industrielle, incombe « naturellement » à la gauche.
Pour sa part, Natacha Rateau (magistrate et vice-présidente du Syndicat de la magistrature) a témoigné de la profonde crise que traverse l’institution judiciaire en France, qui perdure depuis longtemps du fait de l’inexistence historique d’un réel pouvoir judiciaire dans notre république, mais qui se renforce depuis 2002. En effet, à la multiplication des lois "sécuritaires" s’ajoute un interventionnisme jamais vu du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de la justice. De plus, à cette confusion extrême des pouvoirs se superpose leur concentration, notamment avec la disparition politique du Garde des sceaux depuis 2007.
Dans ce contexte, le SM promeut plusieurs réformes profondes :
– L’institution d’un Conseil supérieur de la magistrature pleinement indépendent, seul responsable des nominations des magistrats du siège ET du parquet ;
– La révision profonde des procédures disciplinaires, afin d’éviter que celles-ci puissent se transformer, comme aujourd’hui, en machine à sanctionner politiquement ;
– La suppression du Garde des sceaux, remplacé par un Procureur général de la Nation.
Enfin, pour Bertrand Monthubert (enseignant-chercheur, fondateur de « Sauvons la recherche », secrétaire national du Parti socialiste), depuis que la droite est au pouvoir, la politique d’enseignement supérieur et de recherche est marquée par le renforcement du contrôle "politique" des enseignants-chercheurs. Or, à la suite d’E. Plenel et de N. Rateau, B. Monthubert a souligné que l’indépendance des enseignants-chercheurs, comme celle de l’ensemble des agents du service public, n’était pas un acquis de ces derniers mais un droit des citoyens. C’est ainsi la neutralité du service public que garantit notamment le statut des fonctionnaires et qu’il convient de protéger à l’heure de la concentration et de la confusion extrême des pouvoirs. Ainsi, il n’est pas admissible qu’un gouvernement, quel qu’il soit, définisse seul les priorités de la recherche publique, notamment au travers de la politique dite du « financement sur projet ».
Auparavant, dans la matinée, les « Sixiémistes » présents avaient décidé de relancer l’action de la C6R pour faire de l’association un "centre de ressources", nourrisant le débat public sur la question démocratique et mettant à la disposition de la gauche des propositions visant à démocratiser notre système politique. Dans cette perspective, la C6R va organiser, d’ici juin 2010, au moins deux conférences publiques autour de "grands témoins". L’association animera aussi six groupes de travail sur les thèmes suivants :
– démocratie et décentralisation ;
– démocratie et justice ;
– démocratie et impôts ;
– démocratie et médias ;
– démocratie et santé ;
– démocratie et travail.
Enfin, la C6R promouvera l’émergence d’une plate-forme démocratique rassemblant toutes les formations politiques et les organisations de la société civile souhaitant proposer des alternatives au système de pouvoir sarkozyste et préparer ainsi l’alternance. Dans ce cadre, la C6R estime que l’organisation d’élections primaires ouvertes pour le choix du candidat de la gauche à l’élection présidentielle de 2012 est un outil absolument nécessaire pour permettre de donner à la gauche le ou la candidat(e) le plus à même de rassembler une majorité d’électeurs autour de son projet.
Contact : sg@c6r.org