Réinventons la politique avec les Ateliers législatifs citoyens
Dès 1789, la France a été le pays de la représentation politique, et la lutte que la France a connu pour imposer l’élection au suffrage universel direct, ainsi que pour organiser un pouvoir législatif stable et pluraliste, a créé un culte de la loi et une image idéalisée du Parlement. Dans cette culture française, la démocratie participative a toujours disposé d’une place secondaire, et ses connotations restent aujourd’hui négatives.
Pourtant, les réticences politiques ne pourront longtemps persister si l’on veut garantir l’efficacité et surtout la légitimité de l’action politique.
Le contexte économique et social assez douloureux, ainsi que l’adoption récente de la loi sur le non cumul des mandats, incite à modifier les méthodes de travail des parlementaires et les comportements de l’ensemble des acteurs sociaux.
Le non cumul exige, d’une part, de rapprocher les élus nationaux des élus locaux, ces derniers étant porteurs des intérêts de leur collectivité. Les élus locaux seront plus que jamais chargé d’informer, de transmettre et de convaincre de la nécessité de certaines politiques au profit des besoins locaux, tandis que le député, comme le sénateur, arbitrera entre les divergences, pour faire converger les intérêts.
D’autre part, l’élu national doit maintenir un lien étroit avec le territoire sur lequel il est élu. Il devra créer des techniques de délibération avec les citoyens de sa circonscription pour faire connaître son travail, évoquer les enjeux nationaux dont il a la charge, et débattre des orientations envisageables.
La situation actuelle de la France nous impose de réinventer la politique, de renouveler les cadres de la démocratie, et d’avancer vers des horizons encore embryonnaires.
On doit s’inspirer de penseurs de la démocratie aussi différents que Jürgen Habermas, Bruce Ackerman et James S. Fishkin ou encore Cornélius Castoriadis et Claude Lefort, qui ont tracé les chemins à suivre (démocratie délibérative, Deliberation Day, Voting with dollars, etc.), et prendre appui sur les procédés déjà expérimentés en France et à l’étranger (débats publics, référendum d’initiative populaire, droit de pétition, recall, etc.). Tout un réseau d’acteurs doit être mobilisé afin d’installer un système permanent de communication et de discussion.
Pour ma part, je réalise des Ateliers législatifs citoyens en Saône-et-Loire sur des projets ou propositions de loi en discussion au Parlement, avant leur adoption.
Ainsi, ont notamment été évoqués, le projet de loi sur le harcèlement sexuel, celui sur la création d’emploi d’avenir, et très récemment le projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Des thèmes d’actualité ont également été abordés, tels le travail dominical, et des problèmes plus généraux comme le devenir de la démocratie en France.
Ces ateliers permettent de discuter avec toutes personnes intéressées - particuliers, associations, journalistes, syndicats, administrations, entreprises - invitées par voie de presse et par Internet à se rendre en un lieu déterminé, en fin de journée, pour assurer la disponibilité des citoyens, et recevoir le public le plus large possible. Les ateliers font ressortir des interrogations concrètes, et finalement permettent de proposer à l’Assemblée nationale des amendements "citoyens".
Ainsi la loi votée au Parlement s’imprègne-t-elle de la quotidienneté des individus, ainsi que de la diversité des territoires et des trajectoires collectives, de ce qui constituent en somme les enjeux concrets de notre société.
Ces Ateliers ne sont ni un champ de bataille entre les élus, ni un lieu d’expression militant, mais plutôt un mode de rencontre entre des courants d’expression divergents, construisant collectivement un projet commun pour la France.
Ils doivent réunir des personnes qui se voient avant tout comme des citoyens français avant d’être les garants de leurs intérêts personnels. En ce sens, chacun doit venir avec ses propres expériences dans le but de les exposer autant que d’écouter celles des autres.
Cette technique, qui mériterait d’être perfectionnée et étendue, combine les modes participatif et représentatif de la démocratie. Elle permet à la fois d’accroître la connaissance des citoyens sur la politique nationale et d’échanger ses opinions, approfondissant ainsi la réflexion des uns et des autres. Cette écoute dirigée et orientée par les élus permet à la loi de répondre aux difficultés vécues sur le terrain, sans détacher la norme législative de ses destinataires.
Si être élu, c’est, comme disait Barnave, vouloir pour la Nation, cette volonté est pleinement légitime lorsqu’elle répond aux besoins des citoyens. Or, cette réponse exige d’écouter leurs problèmes, de les prendre en compte au cœur de la vie parlementaire.
Notre force, en France, a toujours été notre esprit critique exacerbé, celui-ci doit alors servir à bâtir une société plus solidaire où cesse de s’affronter stérilement les partis de gauche et de droite, les salariés et les patrons, les fonctionnaires et les professions libérales. Nous devrions avoir une valeur commune, celle de maintenir la France au rangs des références mondiales aussi bien du point de vue politique, juridique, qu’économique et social. Réunissons nous pour décider des enjeux et soyons tous responsables de l’avenir de notre État.
Les Ateliers législatifs citoyens ne sont qu’un exemple parmi d’autres, des techniques de démocratie délibérative existantes, tels que le Deliberative Polling utilisé en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis ainsi que les focus groups délibératifs, notamment mis en place par certains think tank européens.
Réinventons la politique en renouvelant nos manières de collaborer, imaginons ensemble des techniques pour se retrouver et discuter de notre avenir commun.
Cécile Untermaier,
Députée de Saône-et-Loire
Permanence parlementaire – 9 rue des Dôdanes – 71500 Louhans
Tel : 03.85.75.76.
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