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"Changer de Premier Ministre ?"

mercredi 26 mars 2014, par Paul ALLIES

Dans ce billet publié également sur son blog de Mediapart, Paul Alliès rappelle que l’analyse de l’échec électoral de la majorité actuelle lors du scrutin du 23 mars ne peut faire l’impasse sur la question des pratiques du pouvoir sous la V° République et les effets pervers du présidentialisme qu’elle a instauré. Un simple remaniement avec ou sans changement de premier ministre ne saurait répondre au message de l’électorat populaire si la question démocratique n’est pas prise à bras le corps. Bernard Vivien

Changer de Premier ministre ?

par Paul Alliès

Ce scrutin municipal apparait comme une réplique du 21 avril 2002. Quels qu’en soient les diagnostics, les réponses semblent toutes passer par un remaniement gouvernemental pouvant aller jusqu’à un changement de Premier ministre.
C’est un rituel dans l’histoire et la pratique et l’histoire des institutions de la V° République.
Il sera cette fois insuffisant pour sortir la gauche de l’ornière où elle est tombée si ce changement ne va pas avec une autre pratique de la fonction.

Et d’abord le rituel : les politologues du dimanche soir n’ont pas tardé à s’engouffrer dans ce jardin des délices des spéculations sur le changement du chef du gouvernement. Au PS même, certains se sont fait une spécialité dans la revendication incantatoire de ce changement comme s’il garantissait un quelconque mieux.

Rappelons l’aberration du régime dans lequel nous sommes : à la différence de tous les autres Etats-membres de l’Union Européenne (et au-delà) le Premier ministre n’est en France que fictivement à la tête d’une majorité parlementaire. Il est d’abord la créature du président de la République, puis accessoirement chef de la majorité et jamais celui du parti du et au gouvernement. C’est exactement l’inverse ailleurs.
D’où chez nous, ce privilège exorbitant du chef de l’Etat qui (art. 8 de la Constitution) "nomme" et "met fin" aux fonctions du Premier ministre en toute fantaisie (Il n’y a même plus d’investiture parlementaire). Qu’il soit "collaborateur" ou "fusible", le changement de personne est devenu une quasi-coutume à mi-mandat qui change en fait peu de choses sur le fond (et surtout pas de changement de politique). Sauf que ce "deuxième Premier ministre" est à peu près assuré de rester en place jusqu’à la prochaine Présidentielle ce qui limite quelque peu la marge de manoeuvre du Président à son égard. Il peut donc bénéficier d’un autre rapport de forces.

Dans le contexte politique actuel, un choix est possible : soit le nouveau Premier ministre (si on fait l’hypothèse du départ de Jean-Marc Ayrault) reconduit son statut de créature du Président, soit il s’appuie (aussi) sur une majorité parlementaire vérifiée ou reconfigurée à cette occasion.

Vu la crise de la gauche ,un Premier ministre fort, incarnant un gouvernement tenant compte du message de l’électorat populaire (plus de justice sociale, plus de protection, plus de fermeté européenne) est une issue crédible.
Il faut pour cela que la gauche prenne enfin au sérieux la question démocratique qu’elle s’emploie à dissimuler dans le maquis des institutions.
En d’autres termes, s’il faut un autre récit social, il faut aussi un projet politique. La gauche ne pourra pas faire l’économie d’un bilan du présidentialisme dans lequel elle s’est vautrée depuis deux ans. Sans cela elle ne retrouvera jamais le chemin de ses valeurs et laissera tout un espace au Front National dont les succès sont l’expression de cette crise démocratique.
Cet aveuglement sur les pratiques du pouvoir au sein de la V° République est au centre de l’échec électoral de ce 23 mars 2014. Un échec qui aura des répliques redoutables aux prochaines régionales et bien sûr à la présidentielle si l’occasion de ce changement ministériel est ratée.

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