C6R
Convention pour la 6ème République

Accueil > Pour un nouveau système politique, pour la 6e République ! > Institutions : une formidable régression du PS

Institutions : une formidable régression du PS

jeudi 3 février 2011, par Paul ALLIES

Les participants à l’université d’été de la C6R à Jarnac l’avaient annoncé : la C6R veillera à ce que la VI° République soit à l’agenda de la présidentielle de 2012. Elle compte bien d’ailleurs interpeller les candidats et candidates et les organisations politiques sur les changements constitutionnels sur lesquels ils sont prêts à s’engager pour apporter à la question démocratique des réponses à la hauteur des enjeux.

Il va falloir se battre, à l’évidence, comme en témoigne ici Paul Alliès qui est intervenu au nom de la C6R le 2 février au Forum sur les institutions du P.S et analyse le rapport présenté par Manuel Valls.

B.Vivien

"Le PS a réuni hier soir mercredi 2 février son Forum sur les institutions où Manuel Valls a présenté son rapport avec le soutien de Martine Aubry.

J’y ai pris la parole au nom de la Convention pour la 6° République (C6R) pour dire en substance ceci :

• Les 53 propositions contenues dans le texte ne posent pas de problème particulier sauf qu’elles sont un catalogue qui n’entraîne aucune conséquence sur la nature bonapartiste de la V° République. Ainsi le droit de dissolution y est soigneusement conservé en l’état alors qu’il faudrait le donner au Premier ministre.

• Ce régime est organiquement déséquilibré : depuis 50 ans tous les Présidents quels qu’ils soient, ont envahi tous les autres pouvoirs. La France est le pays où la responsabilité politique n’existe quasiment plus et cela provoque une désaffection dans l’opinion vis-à-vis des institutions qui est plus profonde qu’ailleurs et qui s’étend aux pouvoirs locaux (voir le dernier rapport du Cevipof).

• Des propositions pragmatiques existent pour évoluer vers un autre régime. Elles supposent d’être très précis sur les voies du changement comme le faisait le rapport Bel en 2007. Ainsi l’intention de procéder à un référendum selon la procédure de l’article 11 ne peut s’imaginer que si le ou la candidate de gauche fait campagne sur quelques propositions significatives aux yeux des démocrates ; sinon le Conseil Constitutionnel aura beau jeu de dénoncer un détournement de la procédure référendaire hors l’article 89. Or le rapport Valls esquive ce problème rendant peu crédible l’adoption de ses « mesures phares ».

• Pour cela il faut vouloir le débat et non l’étouffer comme le fait le rapport Valls : il écarte tout autant le régime parlementaire (comme si ce ne pouvait être qu’un régime d’assemblée, donc un retour à la IV° République) que le régime présidentiel (qu’il confond avec le présidentialisme bonapartiste à la française). C’est parfaitement caricatural et même ridicule. La 6° République pourrait être un régime présidentiel si cela voulait dire l’avènement de contre-pouvoirs comme ils existent aux Etats-Unis. D’ailleurs Dominique Strauss-Kahn ou Vincent Peillon et d’autres se sont déjà prononcés en ce sens. Va-t-on les faire taire ?

Ce texte est donc une formidable régression du Parti socialiste vis-à-vis des réflexions qui ont jalonné les dix années écoulées.

Ces dix années sont celles qui nous séparent du 21 avril 2002 quand déjà Lionel Jospin après avoir « gouverné autrement » pensait pouvoir gagner la Présidentielle en « présidant autrement » (mot d’ordre central de sa campagne) en faisant comme si les institutions de la V° République pouvaient se résumer à leur pratique par un seul homme.

Cet aveuglement a « impuissanté » la gauche. Elle esquive toujours autant la révolution démocratique dont la France a tant besoin et dont les peuples du Maghreb et du Machrek montrent l’aspiration universelle.

La 6° République en France est l’actualité de cette aspiration. Au moment où toutes les formations de gauche et même au-delà se montrent disposées à en débattre, il est consternant que le PS soit en train de s’en exclure.

La Convention pour la 6° République a accompagné la politisation de la question constitutionnelle de cette dernière décennie. Elle a toujours défendu l’avènement d’une République parlementaire, donc d’un régime primo-ministériel qui la mettrait au diapason de tous les autres pays membres de l’Union Européenne (tous sans exception rejoint ce système même ceux qui s’étaient inspirés de la Constitution française dans les années 70 et 80).

Ce n’est pas le grand soir mais c’est la volonté d’en finir avec des pratiques délétères dont le sarkozysme n’est que le nom provisoire. Pour qu’il n’ait pas de postérité, à droite comme à gauche, il faut se montrer intransigeant sur la question démocratique et le changement constitutionnel afférant.

Voilà pourquoi la C6R poursuivra ce combat avec ou sans le Parti socialiste. C’est maintenant qu’il faut la rejoindre.

Paul Alliès, le 3 février 2011

6 Messages

  • Institutions : une formidable régression du PS Le 4 février 2011 à 09:11 , par Jean-Louis LEGALERY

    En tant que membre du PS (Besançon) et abonné à Médiapart, je soutiens ce choix politique.

    repondre message

  • Institutions : une formidable régression du PS Le 5 février 2011 à 07:40 , par René Merle

    Cette intervention de Paul Allies est en ce qui me concerne une véritable bouffée d’oxygène.
    J’ai eu l’honneur et le plaisir d’être invité à deux reprises, en tant qu’historien, par la C6R au plan national, et à deux reprises j’ai insisté sur le fait qu’accepter que "la gauche" chausse les bottes du présidentialisme, en promettant de ne pas en abuser, était en fait donner un chèque en blanc à dune/e candidat/e socialiste qui, à son corps défendant ou dans la délectation d’un pouvoir enfin obtenu, prendrait toute ses aises présidentielles, et, entouré/e de courtisans, n’en ferait qu’à sa guise.
    Je trouve étonnant que le P.S ne tire pas la leçon de l’énorme erreur politique du gouvernement Jospin (quinquennat et inversion des dates électorales) qui nous a fait passer d’un régime hyper présidentiel à un régime consulaire.
    Je trouve bien dommageable le fait que des dirigeants socialistes que j’avais rencontrés à la C6R et qui proclamaient la nécessité d’une Sixième République s’accommodent aujourd’hui de cet abandon de perspectives.
    Je trouve proprement suicidaire le fait que les dirigeants du P.S, motivés par ce qu’ils croient être une stratégie électorale payante, refusent de dire clairement : "ce régime consulaire est nocif, et il faut en changer". Mais il est vrai que d’aucuns(je pense en particulier à Manuel Valls) donnent l’impression de s’y voir déjà, dans leur mise en abîme avec l’actuel président.

    René Merle

    repondre message

  • Institutions : une formidable régression du PS Le 7 février 2011 à 10:27 , par Meriau

    Après avoir suivi - et apporté ma contribution - le fil de commentaires sur Mediapart à propos de cet article de Paul Alliès, une chose m’est apparente, à laquelle je n’avais pas pensé ( et sur laquelle, je n’ai rien lu de précis à ce jour ) :
    le choix que fait aujourd’hui le PS de ne pas remettre en question la Vème République était déjà inscrit dans la stratégie des primaires.
    A quoi bon organiser ces primaires si elles n’avaient pas pour but de choisir LE (ou LA) Président(e) qui, ayant en charge les affaires de la nation, doit avoir une marge de maoeuvre suffisante pour pouvoir inscrire sa marque personnelle sur le cours des choses ?
    Il y a là, incontestablement, un paradoxe dans la position de Montebourg, puisqu’il prône à la fois la Vème république et les primaires.

    Autre chose. Je suis de très près les débats parlementaires ( voir mon blog « À quoi servent les débats de l’Assemblée nationale ? »/ http://karlcivis.blog.lemonde.fr/ ou les « rétro-débats » que je publie sur mediapart.fr/ « 2002-2003 : retro-débats ( Assemblée nationale) »
    http://www.mediapart.fr/club/blog/Denis%20Meriau ), comment les députés socialistes peuvent-il accepter que l’on ne revienne pas sur la réforme du Règlement de 2009, qui a entraîné une déliquescence du débat d’Assemblée ?

    repondre message

    • Institutions : une formidable régression du PS Le 7 février 2011 à 14:34 , par Bernard VIVIEN

      Arnaud Montebourg défend effectivement et les primaires et les VI° République (et non V° comme une faute de saisie vous le fait écrire).
      Comme cela a été affirmé lors de l’université d’été de l’an dernier à Jarnac, l’objectif poursuivi est bien la "déprésidentialisation" du régime en faveur d’un régime primo-ministériel.
      Alors qu’à ce jour l’élection présidentielle est une réalité, le dernier café citoyen qui s’est tenu à Montpellier le 31 janvier a débattu de la question que vous posez, à savoir "en quoi l’existence de primaires en France concerne le combat pour la VI° République ?".
      La discussion a permis de mettre en évidence que les primaires, ce n’est pas un "truc", et pas davantage un "truc de gauche". Cela correspond à une tendance profonde. Il s’agit, pour faire court, de dépasser le cadre confiné des partis du 19° qui se disent d’avant-garde et expérimentés, mais en quelque sorte confisquent le droit au choix.
      Il s’agit bien, dans l’esprit de ceux qui sont les promoteurs convaincus et sincères de l’organisation de primaires de mettre un terme à un sytème plebisctaire à même de contrer la colonisation de l’élection présidentielle par la scène médiatique et les instituts de sondage.
      Il ne s’agit donc pas de renforcer le pouvoir présidentiel ; les plus ou moins fortes réticences au processus de primaires ouvertes et populaires que manifestent dans les organisations politiques les suporters de certains candidats potentiels quand ce ne sont les candidats eux-mêmes en témoignent. Et cela peut s’obsever au parti socialiste mais aussi dans d’autres partis ou organisations de gauche ou non.

      repondre message

  • Institutions : une formidable régression du PS Le 19 février 2011 à 19:59 , par Eric

    L’immense espoir suscité par la victoire de F. Mitterrand en 1981 - j’avais 20 ans exactement le 10 mai 1981, les progressistes de ce pays l’ont vite et plutôt mal digéré ; ils ont assisté au fil des ans à un repli craintif de notre gauche de gouvernement sur des valeurs très droitières. Celle-ci a su parfaitement se travestir des oripeaux monarchiques de la cinquième République, au point de tomber - et de se complaire - dans tous ses travers. Les alternances successives n’y ont rien changé, nous sommes retournés très en deçà de notre point de départ.
    A l’heure où mai 2012 devrait s’annoncer comme une date charnière, ouvrant enfin un véritable horizon démocratique - et les institutions en sont le fondement, les socialistes nous proposent une alternance en demi-teinte, alors que ce quinquennat calamiteux (faisant suite à des mandats en grande partie très discutables), a mis en lumière plus qu’il n’en faudrait pour s’atteler à une refonte de nos institutions.
    Les socialistes ont pris goût au théâtre d’ombres interchangeables de la cinquième République sans s’apercevoir que les spectateurs dans la salle avaient cessé de faire la claque, étaient de plus en plus clairsemés et enclins à des antagonismes croissants que d’aucuns savent exacerber à merveille... La France est une pétaudière et les socialistes dansent le menuet !

    Il devient de plus en plus évident que ce n’est pas du côté de la classe politique coulée dans le béton de nos institutions qu’il faudra chercher un quelconque soutien. Ces gens-là, préoccupés par leur sort personnel à l’exclusion de tout autre, ont beaucoup trop à perdre pour se hasarder vers des lendemains dont les chants les feraient déchanter. Il faut chercher du côté des exclus, des parias, des malmenés de tous bords et de tous ceux qui s’en réclament, les piliers démocratiques d’une nouvelle république. Et ils sont les plus nombreux.

    repondre message

  • Institutions : une formidable régression du PS Le 23 février 2011 à 17:30 , par Saga des Gémeaux

    Les propositions du PS ne sont rien d’autres que du foutage de gueule concernant les institutions. Avec ce parti la Ve République aura encore de beaux jours devant elle. Que l’on en juge : une ministre des affaires étrangères qui propose à une crapule nommée Ben-Ali les services de la police française pour réprimer des manifestants qui réclament la démocratie en Tunisie, qui accepte de prendre l’avion d’un proche du même dictateur pour passer des vacances et qui en plus voit ses parents prendre part à des transactions avec un autre homme d’affaire proche de l’ex dictateur. Dans tout autre pays européen ladite ministre aurait démissionné de ses fonctions. Mais nous sommes sous le régime de la Ve République, régime d’irresponsabilité politique et d’impunité pour les ministres. Je hais ce régime présidentialiste qui rapproche la France vers une dictature (voir les projets de Sarko sur la sécurité), je souhaite qu’en 2012 on élise une Assemblée constituante qui rédigera une vraie Constitution démocratique conformément aux standarts européens de la démocratie parlementaire. N’oublions pas que la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 est inconstitutionnelle car le Parlement a été contraint par les factieux d’Alger et par De Gaulle qui en quelque sorte mettait un pistolet sur la tempe des députés afin que ceux-ci délèguent le pouvoir constituant au gouvernement De Gaulle. Donc la Ve République est illégitime car elle a un vice de procédure quant à sa naissance. La réforme constitutionnelle de 1962 est dans la même logique que celle de 1958 et comme l’a dit Gaston Monerville à De Gaulle : "Vous n’avez pas le droit, vous le prenez". Et le PS voudrait conserver ce régime aberrant en faisant quelques réformes cosmétiques, alors qu’il s’agit d’en finir avec ce présidentialisme répugnant qui rapproche la France d’une dictature ? C’est une honte de voir que les personnalités du PS puissent être fascinées par la Constitution De Gaulle.
    Pour une République strictement parlementaire.

    Saga des Gémeaux

    repondre message

Répondre à cet article