Alors que va s’achever la séquence d’installation des cabinets des nouveaux ministres du gouvernement Ayrault, s’amorce un débat sur leur genre, la sous-représentation des femmes y étant criante.
Elle viendrait limiter la portée de la parité intégrale qui a présidé à la formation du gouvernement. Ce phénomène ne risque-t-il pas d’en masquer un autre, enraciné dans la pratique du pouvoir de la Gauche depuis 1981 ?
Des enquêtes et études déjà anciennes (de Monique Dagnaud, Dominique Mehl, Pierre Mathiot, Frédéric Sawicki) ont démontré que la Gauche a très peu modifié les mécanismes sociaux de la sélection des élites dont les cabinets sont un foyer essentiel.
La part administrative de celles-ci (les "grands corps" que forment pour l’essentiel l’Inspection des Finances, le Conseil d’Etat, la Cour des Comptes) est demeurée majeure même si en 1981, les gouvernements Mauroy ont desserré l’étau en politisant le recrutement et en l’ouvrant plus aux administrateurs civils et ingénieurs.
Outre que ce changement fut de courte durée, que le tournant dit "de la rigueur" (i/e du social-libéralisme) marqua un retour accéléré à la normale, la nature et la force des cabinets n’ont pas été modifiées. Dans le système de la V° République ils ont trouvé une dynamique spécifique dans la défense politico-administrative de chacun des ministères dans les arbitrages de Matignon et surtout de l’Elysée.
Les solidarités de formation, de compétence, de corps et de réseaux s’en sont trouvées renforcées. Et les cabinets sont naturellement en retour un accélérateur de la carrière dans la haute administration ou l’entreprise.
Problème : à la différence des ministres et des directeurs d’administration centrale, ils sont irresponsables politiquement et financièrement.
Le poids des cabinets est plus grand en France qu’ailleurs tant la filière des grandes écoles donne à la "technostructure" une dimension singulière dans le fonctionnement de l’Etat. C’est ce qui explique que la conquête de positions y soit si dure et difficile, laissant peu de place pour la prise en compte de la diversité ou de la parité.
A cela, s’ajoute le clonage du dispositif dans les collectivités locales où l’expansion des cabinets a été dopée par les lois de décentralisation. Il a aggravé et parfois caricaturé une hypertrophie du pouvoir au gré de recrutements et de pratiques opaques.
Cette part d’ombre démocratique de la République est un rappel à l’ordre de la nécessité d’un changement radical de régime.