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Convention pour la 6ème République

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Macron et la réforme démocratique. En attendant Godot.

lundi 23 octobre 2017, par PAUL ALLIES, Bernard VIVIEN

Au lendemain des élections sénatoriales, le Président annonçait un calendrier pour le projet de réforme de la V° République qu’il avait évoqué lors du discours de Versailles devant les parlementaires le 3 juillet dernier. Aussi, sans pour autant être naïve, la Convention pour la 6° République se prépare à intervenir dans le débat sur le projet qui sera soumis au parlementaires, voire à un référendum comme le Président l’a lui-même évoqué pour le cas où il n’aurait pas la majorité requise au sein des assemblées.
Dans son éditorial du bulletin d’octobre de la C6R, Paul Alliès rappelle les déclarations du Président, les propositions et leurs imprécisions, le calendrier annoncé et l’importance de se préparer à saisir cette opportunité pour "proposer un ensemble cohérent de mesures susceptibles d’en finir avec une pratique mortifère du régime de la V° République".
Bernard Vivien

Beaucoup demandent de donner du temps à Emmanuel Macron avant de le juger à l’aune de ses promesses. Celles faites en matière de réforme démocratique ne sont pas secondaires. Et nous sommes de ceux qui les avons prises au pied de la lettre.

Avec le discours de Versailles (le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017) ce qui était promesse est devenu projet. Un projet de réforme de la V° République assez ambitieux pour qu’on s’y intéresse de près : la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires ; la limitation du cumul des mandats dans le temps ; l’introduction de la proportionnelle dans l’élection législative ; la transformation du Conseil Economique, Social et Environnemental ; la suppression de la Cour de Justice de la République ; le renforcement du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il y manque toujours beaucoup de précisions (combien de mandats, quelle part de proportionnelle ?). De même les propos bien venus sur la responsabilité des ministres et du gouvernement, le vote en commission et l’évaluation des lois, l’extension des moyens de contrôle des parlementaires appellent des précisions essentielles (le président de l’Assemblée Nationale vient de mettre sur pied une commission de travail sur ces sujets). Mais il y a là un bloc de réformes que la gauche a été incapable de mettre en oeuvre durant un quart de siècle de présence au pouvoir.

Et un calendrier vient garantir la discussion et l’adoption de ces réformes : avant la fin 2018 par la voie du Congrès ou, s’il le faut par référendum.
. Cette dernière hypothèse a été relancée par le Président lui-même au lendemain des élections sénatoriales du 24 septembre dernier. Si la majorité des trois cinquièmes du Congrès n’était pas acquise, il n’hésiterait pas à recourir au référendum tel que prévu à l’article 89 de la Constitution.

On reste donc dans l’attente de l’agenda de ce grand « chamboule-tout » que serait (d’après Laurent Fabius) Emmanuel Macron. Il devrait être annoncé courant novembre. Mais le temps de la routinisation menace. Et on peut d’ores et déjà estimer l’ardeur du Président à travers ses ambitions ou réalisations démocratiques.
A son actif figurent les projets de démocratisation de l’Union Européenne (depuis la zone Euro jusqu’aux listes transnationales aux élections européennes en passant par les « débats citoyens » du premier semestre 2018). Trois lois sont promises pour le printemps 2018 pour réformer la justice (mais quid de l’indépendance du parquet, enjeu démocratique essentiel ?) Et c’est à peu près tout.

Le passif lui, est impressionnant  : le recul du syndicalisme dans l’entreprise et la promotion de la monarchie de droit social, le refus de la moindre évolution vers une quelconque cogestion, la vraie-fausse moralisation de la vie politique (les deux lois du 15 septembre 2017), la banalisation de l’état d’urgence et l’atteinte à l’Etat de droit (la loi du 3 octobre), la restriction sans précédent du droit d’asile (dans le projet de réforme de l’Ofpra du Ministère de l’Intérieur). Il n’y manque même pas la suppression de l’impôt sur la fortune qui peut s’assimiler à un abandon hautement symbolique du principe démocratique de la redistribution fiscale.

Que peut devenir dans ce cadre, la transformation des institutions ? Emmanuel Macron a donné son point de vue, plutôt sybillin, dans un long entretien au Point le 31 août 2017 : « Par la Constitution de 1958, le président de la République n’est pas seulement un acteur de la vie politique, il en est la clé de voûte. Il est le garant des institutions. Il ne peut plus être dans le commentaire au jour le jour (…). Le rôle du président de la République n’est pas de commenter mais d’impulser la politique, d’incarner le sens du temps long, car c’est lui le dépositaire des engagements pris dans le cadre du programme et du suffrage universel ». Disant cela, il ne fait que renouer avec la conception de la présidence impériale de De Gaulle et Mitterrand. L’essentiel reste donc à venir : quelle restauration du Parlement, quel équilibre des pouvoirs, quelle usage de la dyarchie de l’Exécutif, quel rôle du Premier ministre et du gouvernement, quel respect des contre-pouvoirs ? Ces sujets décideront de la portée d’une révision constitutionnelle, cosmétique ou stratégique.

Il convient donc d’attendre, l’arme au pied. Le moment venu, il faudra proposer un ensemble cohérent de mesures susceptibles d’en finir avec une pratique mortifère du régime de la V° République. La Convention pour la 6° République est prête pour ce débat à la loyale. Pour l’instant, comme dans l’ouvrage de Samuel Beckett, elle attend Godot qui promettait un rendez-vous en rase campagne. Dans le roman, il ne vient jamais. Macron changera-t-il le dénouement de ce trop célèbre texte ?
Paul Alliès
20 0ctobre 2017

Ce texte est l’éditorial du numéro d’Octobre de La Lettre de La Convention pour la 6° République (C6R).

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