"La majorité d’aujourd’hui sera forcément l’opposition de demain", c’est ce que déclarait dans Le Monde du 17 juillet 2008 Nicomas Sarkozy à la veille du vote par le Congrès de la révision de la Constitution. Le président de la République y justifiait une réforme qui renforçait les pouvoirs de la majorité et non pas ceux du Parlement. Il voulait convaincre des élus socialistes (seul Jack Lang s’y laissa prendre) d’approuver celle-ci au motif qu’ils en profiteraient plus tard. Plus tard, c’est aujourd’hui.
Les élections présidentielle et législative de ce printemps seront-elles une alternance ou une alternative ?
Généralement cette question est entendue comme si elle n’intéressait que les politiques publiques d’une nouvelle majorité. Or elle intéresse aussi la pratique du pouvoir.
La déclaration de Sarkozy était empreinte d’un cynisme qui s’est illustré durant cinq ans. Le renforcement du pouvoir de sa majorité UMP allait bien dans le sens d’une présidentialisation encore accrue du Régime. Alors même que la réforme avait prétendu "associer" le Parlement au pouvoir de nomination du président de la République (source d’une terrible confusion et inféodation de pouvoirs en tout genre), le partage s’est en fait réduit à un vote négatif au 3/5° des membres d’une commission donc à un improbable veto de la seule majorité présidentielle.
La liste des réformes votées en 2008 est un impressionnant cimetière d’abandons et de reniements : la maitrise de l’ordre du jour des assemblées, le vote de résolutions, le contrôle sur les interventions militaires à l’étranger, le référendum d’initiative parlementaire. On peut allonger la liste : cela ne changera rien au fait que depuis cinquante ans le système qui avait été conçu pour tenir en respect un parlement envahissant sous les III° et IV° Républiqe a été dévoyé dés 1962 avec l’avènement d’une majorité présidentielle automatique aprés chaque élection présidentielle. Le scrutin majoritaire et la bipolarisation ont fait leur oeuvre pour atteindre un niveau inégalé ailleurs de subordination totale des parlementaires à un parti-Etat et à son chef à l’Elysée. Entretenu par un cumul des mandats locaux et nationaux, nous nous sommes accoutumés à un parlementarisme de façade où le contrôle du gouvernement et l’évaluation des politiques publiques ne sont plus assurés.
Si alternance il y a dans ce système il faut qu’elle débouche sur une alternative : le Premier ministre doit retrouver une vrai autorité dans "la direction" de l’action publique, le gouvernement doit retrouver des pouvoirs et donc de vrais responsabilités devant sa majorité, l’opposition doit gagner une réelle influence dans les instances parlementaires, le président doit abandonner des prérogatives usurpées, le cumul des mandats doit cesser, la proportionnelle doit être substantiellement introduite dans le mode de scrutin législatif.
La Gauche et les démocrates auront-ils ce courage ? Dés le début de son mandat Sarkozy a modifié pour moitié (47 articles) le texte de la Constitution. Il n’ y a donc pas lieu de faire de celui-ci un fétiche. Débattons-en sans tarder.
Vendredi 9 mars 2012 à 19h
avec
François Hollande, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon ou leurs représentants
et
Edwy Plenel, président-fondateur de Mediapart
Arnaud Montebourg, président d’honneur et fondateur de la C6R
Paul Alliès, président de la C6R
Musée Social - 5 rue Las Cases, Paris, 7°. Metro Solferino
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