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"65 ans : au risque d’un anniversaire"

Un billet de Paul Alliès

jeudi 20 avril 2023, par Bernard VIVIEN

Loin de se bonifier au fil des ans, la V° République est devenu un régime présidentiel que l’on peut qualifier de "démocrature", terme caractérisant des régimes autoritaires dont les dirigeants sont chois par le peuple. Nous n’avons pas cessé ici, de rendre compte de cette évolution mortifère pour la démocratie et de plaider pour un changement de régime et un véritable renouveau démocratique. Nous rappelant que la V° République atteindra l’âge de 65 ans le 4 octobre prochain, Paul Alliès dans ce billet, nous rappelle que ce changement de république est possible, "pour peu qu’élus, responsables syndicaux et associatifs s’impliquent dans une délibération élargie et étendue, sur les modalités et le contenu de ce changement". Alors, chiche ?
Bernard Vivien

65 ans : au risque d’un anniversaire

Dans moins de 6 mois (le 4 octobre) un anniversaire pourrait faire événement : la V° République aura 65 ans, soit autant que la durée atteinte par la III° République. Dans l’impasse où se trouve désormais la France, c’est le moment de réfléchir à cet horizon.

La V° République est donc en passe de devenir le régime susceptible de battre les records de longévité de toute l’histoire politique française.

Mais ce parallélisme III°-V° République peut aussi conduire à s’interroger sur la fin prochaine, sinon nécessaire du second. La crise dans laquelle s’installe pour 4 ans un pouvoir incapable de résoudre un conflit comme celui qu’il a ouvert sur les retraites, pourrait donner le signal de sa décomposition institutionnelle.

L’usure du système en place atteint des sommets. La réduction à une peau de chagrin des droits du Parlement, l’instrumentalisation vertigineuse de la Première ministre et du gouvernement, le mépris féodal des syndicats et des « corps intermédiaires », la déconsidération en place publique du Conseil constitutionnel, tout cela rend le présidentialisme irrespirable.

Ce présidentialisme est pourtant un genre dont se sont amourachés tous les présidents de la République successifs, jusqu’à devenir un mode de gouvernement, au mépris de la constitution écrite. Mais sa pratique a jusqu’ici connue une modulation le rendant supportable : le cas de Jacques Chirac promulguant la loi sur le CPE en avril 2006 mais annonçant aussitôt la suspension de son application, pour permettre l’adoption d’une nouvelle loi, est dans toutes les mémoires.

Nous voilà donc rendus à une étape de cette histoire où le pouvoir d’un seul (privé de majorité mais aussi d’un véritable parti) détruit tous les autres, censés s’équilibrer. La vérité de ce décennat est déjà dans le Conseil de défense, au pouvoir augmenté sans délibération ni texte, au tournant de l’état d’urgence sanitaire en 2021 (voir le billet de Blog du 27 octobre 2021).

C’est la consécration d’une « démocrature », terme inventé par les politistes pour caractériser un régime autoritaire dont les dirigeants sont choisis par le peuple.

Certes celui-ci est de moins en moins enclin à fréquenter les bureaux de vote, mais la fiction suffit. Il n’est qu’à voir avec quelle obstination E. Macron justifie son entêtement, par sa réélection en 2022 (on sait avec quelle participation et dans quelles conditions au 2° tour).

Force est donc de voir la logique politique de cette oligarchisation du régime : il ne sera bientôt défendu que par les ennemis de toujours de la République elle-même. C’est ce que fait si bien et avec constance à chaque présidentielle, Marine Le Pen : « Quand certains parlent d’aller vers une VI° République, je leur dit : revenons déjà à la V° (…) Les institutions de la V° République sont tout à fait aptes à exprimer la démocratie pour le peuple français ». (18/02/2017). Et d’en conclure (12/04/2022) : « Je ne renonce à utiliser aucun des articles de la Constitution, car cette Constitution est une merveille d’équilibre et par conséquent, elle a été conçue pour que l’ensemble des articles puissent être utilisés ».

En avant donc vers toujours plus de 49.3 (pour lequel elle a précisé son attachement) ; l’article 16, autorisant une dictature légale, sera toujours un commode et inattaquable recours. On peut douter que le Conseil constitutionnel, discrédité tel qu’il est, puisse être un rempart contre des usages gravement anti-démocratiques à venir.

Afin d’éviter cette catastrophe en 2027, il faut cesser de biaiser et de psalmodier les mérites légitimistes d’institutions en charpie. Le 15 juin 1940, la fin de la III° République fut scellée à Bordeaux, avec la décision du Président du conseil (Paul Reynaud) et des deux chambres (Jeannenay et Herriot) de ne pas convoquer en urgence le Parlement. Le président de la République, Albert Lebrun pouvait appeler le Maréchal Pétain à former un gouvernement. On connaît la suite et la fin.

Il faut donc s’employer à changer de République. Ce but peut rapidement redevenir populaire pour peu qu’élus, responsables syndicaux et associatifs s’impliquent dans une délibération élargie et étendue, sur les modalités et le contenu de ce changement. Car il s’agit d’en donner envie à toute une population, celle qui vient de se retrouver dans la bataille sur les retraites.

Il s’agit de lier question sociale et question démocratique. C’est le beau pari que nous lance cet anniversaire, ambigu à souhait, des Républiques sexagénaires ;
Le 15 avril 2023
Paul Alliès
Président de la Convention pour la 6° République
Billet paru sur le blog Mediapart "Une autre république est possible".

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