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Conseil Constitutionnel : la honte...

samedi 29 juillet 2017, par PAUL ALLIES, Bernard VIVIEN

Dans son blog sur Mediapart "une autre république est possible", Paul Alliès réagit à la nomination par le président du Sénat de Michel Mercier au Conseil Constitutionnel. Comme on en trouvera la confirmation -si besoin en était- à la lecture de ce billet, il y a "quelque chose de malsain au royaume de la V° République".
Bernard Vivien

Conseil Constitutionnel : la honte

Le président du Sénat vient de nommer un nouveau membre du Conseil Constitutionnel en la personne de Michel Mercier. Tant sur la forme que le fond il s’agit d’une nouvelle turpitude qui disqualifie la France sur la scène des cours suprêmes de part le monde.

La forme d’abord : le président du Sénat a le privilège de nommer trois membres du Conseil, comme le président de l’Assemblée Nationale et le président de la République. Première incongruité : la France est le seul pays d’Europe à voir les membres de sa cour constitutionnelle nommés par des autorités politiques. Partout ailleurs c’est le Parlement qui nomme les juges à une majorité qualifiée (des 2/3 du Bundesrat allemand, des 3/5° des Cortes en Espagne ou des assemblées italiennes). Comme il est rarissime qu’une seule majorité atteigne ces proportions, cette procédure garantit à la fois le pluralisme et la légitimité démocratique (les choix se faisant généralemengt selon un système de liste d’aptitudes). L’exotisme français est unanimement et régulièrement dénoncé part les juristes de tous bords ; les comités Vedel comme Balladur n’ont-ils pas proposé en 1993 puis en 2008 d’une finir avec ce système ?. L’unique réforme a été celle induite par la révision de la Constitution de juillet 2008 qui a abouti à la loi organique du 21 juillet 2010 : elle prévoit la ratification de la « proposition » de nomination par la commission des lois du Sénat (ou de l’Assemblée Nationale). Mais il y faut une majorité des 3/5° des suffrages exprimés pour s’y opposer, impossible et impensable à atteindre ; autrement dit ce droit de veto est purement théorique. Et voilà comment le bon Gérard Larcher a déjà pourvu au remplacement de Nicole Belloubet devenue ministre de la justice le 22 juin dernier, en nommant Michel Mercier.

Pourquoi Michel Mercier ? Voilà une question de fond. Agé de 70 ans, c’est un cacique de la vie politique, pour ne pas dire une caricature. Il a exercé en 40 ans tous les mandats électifs et fonctions afférentes possibles : de conseiller municipal et maire à conseiller général et régional, de la présidence du Conseil général du Rhône (pendant 23 ans !) aux mandats de député puis sénateur. Cette ténacité lui valut d’être ministre (assez vite oublié) de Nicolas Sarkozy d’abord à l’aménagement du territoire puis à la justice. Cette accumulation de mandats pose un problème en soi : Michel Mercier va avoir à connaitre de recours et contentieux sur des matières et des textes qu’il aura amplement contribué à produire. Ce n’est pas sans conséquence litigieuse dans le mécanisme des Questions Prioritaires de Constitutionnalité qui permet à tout justiciable de soulever ces questions les concernant en propre devant les juges du fond.

Ce nouveau membre est-il une exception ? Pas du tout. Il ressemble comme deux gouttes d’eau à Jean-Jacques Hiest, lui aussi nommé à l’âge de 74 ans en 2015 par le même président du Sénat et champion de l’accumulation des mandats. Maire pendant 28 ans, conseiller général pendant 33 ans, conseiller régional, député (9 ans), sénateur (pendant 20 ans), il ne lui manque que quelques portefeuilles ministériels.

Si on élargit la focale on ne trouve que trois membres du Conseil qui ont un profil de juriste ou de praticien professionnel du droit : Claire Bazy Malaurie, Michel Pinault, (énarques quand même) et Corinne Luquiens (Science Po). Ils siègent à côté de Laurent Fabius (président) , Michel Charasse et Lionel Jospin dont on n’a pas à présenter les états de service. Comme si cela ne suffisait pas il faut mentionner Valery Giscard d’Estaing, membre de droit en tant qu’ancien président de la République. Il siège assidument depuis que Jacques Chirac avait décidé de siéger lui aussi au même titre jusqu’à ce que sa condamnation pénale en décembre 2011 et son état de santé neurologique ne l’en empêche. Nicolas Sarkozy ne s’interdisait rien lui non plus dans ce domaine mais sa mise en examen pour abus de faiblesse en 2013 et surtout le rejet de son compte de campagne de 2012 par le dit Conseil l’ont conduit à se mettre en congé.

Mais la mise en congé ne signifie pas la démission, impossible selon les textes. D’ailleurs le Conseil lui-même a posé en 1984 le principe d’une assimilation complète entre membre de droit et membre nommé. Cela vaut évidemment pour François Hollande qui voulait supprimer ce statut mais n’y est pas parvenu.

On avouera que le spectacle de cette institution surpolitisée et rongée par le carriérisme est passablement lamentable. Mais la honte est totale quand on apprend la vraie raison de la nomination de Michel Mercier : il était un concurrent dangereux pour Gérard Larcher à la présidence du Sénat après les élections de septembre prochain. N’avait-il pas efficacement travaillé au rapprochement entre François Bayrou et Emmanuel Macron pendant la dernière campagne présidentielle ? Voilà comment se galvaudent l’esprit public et le sens de l’Etat dans la V° République.

Paul Alliès
27 juillet 2017

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