Entre-deux-tours : pourquoi tant d’urgence ?
Sur les six élections au suffrage universel direct, nous avons en France trois élections au scrutin majoritaire à deux tours (départementales, législatives et présidentielle) et deux au scrutin de liste à deux tours (municipales, régionales). Les européennes sont un scrutin de liste à un seul tour.
Le délai entre le premier et second tour est d’une semaine seulement, sauf pour la présidentielle (deux semaines).
De tous les scrutins, le plus simple est la présidentielle, car il n’y a pas de triangulaires, pas de désistement, pas de fusion de listes. Il ne reste, pour les candidats éliminés au premier tour, que les appels, enthousiastes ou résignés, voire dépités, à voter pour ou contre un des deux finalistes, à s’abstenir ou à voter blanc. Deux semaines sont largement suffisantes aux perdants pour prendre ce genre de décisions. Et aussi pour que les finalistes organisent deux ou trois grands meetings, à Paris ou dans d’autres grandes villes.
Dans le cas des départementales et législatives, le cadre est à peu-près semblable, mais avec en plus la possibilité de triangulaires, et donc, pour des candidats arrivés en troisième position ou au-delà, de se désister pour l’un des deux premiers. On peut estimer qu’une semaine est un délai suffisant, mais pourquoi doit-il être plus court que pour la présidentielle ? Les législatives sont en effet les seules qui déterminent, dans un régime parlementaire comme le nôtre, la couleur politique du gouvernement. Et donc, aussi importantes, sinon plus, que la présidentielle.
Là où ça se gâte vraiment c’est pour les municipales et les régionales. S’agissant de scrutins de liste, avec possibilité de fusion entre elles pour le second tour, les négociations sont menées à une vitesse supersonique, dès le dimanche à 20 heures, car il faut en général déposer la liste fusionnée le mardi à 18 heures. Surtout à cause des contraintes logistiques (impression des professions de foi et des bulletins de vote, envoi par la poste, etc…) Or, une négociation doit se faire avec un minimum de sérénité.
Au printemps 2020 (à quelque chose malheur est bon) la pandémie de COVID nous a permis de voir qu’un autre mode de vie démocratique est possible. En effet, malgré les énormes contraintes sanitaires, des dizaines, peut-être même des centaines de négociations pour fusionner les candidatures aux municipales ont pu se dérouler dans le plus grand calme, ou plus exactement sans la moindre pression du calendrier. Pourtant, ces négociations ont dû se faire à distance, chacun restant derrière son écran. Mais trois mois entre les deux tours, c’était du jamais vu ! Et lorsque la campagne officielle a redémarré, les fusions étaient pratiquement terminées.
Il a fallu cette longue parenthèse pour réaliser, s’il en était encore besoin, à quel point ces délais de moins de deux jours pour fusionner sont difficiles à vivre pour les formations politiques. Cet oubli (involontaire ?) de nos institutions envers les nécessités élémentaires des partis est inacceptable, car les partis sont la base même de la démocratie. Dans ce contexte, le délai entre les deux tours des élections de liste doit être rallongé. Sans doute trois semaines, une de plus que pour la présidentielle, ne seraient pas de trop pour permettre aux négociations de se dérouler sans encombre. Certains acteurs politiques exècrent ce mot, au nom d’une supposée « doctrine gaullienne » qui méprise les partis. Ils se mettraient sans doute en colère. Tant mieux, ce serait la preuve que cette réforme est bien justifiée !
Miguel Castano
12 mars 2021