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Convention pour la 6ème République

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Peut-on "présider autrement" la V° République ?

mardi 27 mars 2012, par Paul ALLIES

Est-il possible de présider autrement la V° République ? C’est de cette question que le café-citoyen de Montpellier a débattu ce lundi 26 mars 2012. On lira ici un "billet" où Paul Alliès reprend l’essentiel de son intervention introductive au débat. Bernard Vivien

Les candidats qui oeuvrent à une alternance dans ces élections présidentielles se sont exprimés sur la question de la présidentialisation de ce régime et la façon d’y remédier.

François Bayrou a quelque peu expédié la question en proposant 25 février dernier un référendum de "moralisation de la vie politique" qui aurait lieu en même temps que le premier tour des élections législatives le 10 juin. Sa seule originalité concernerait le contrôle des nominations par le président et la réduction du nombre de députés que les autres candidats n’ont jusqu’ici pas évoqué. Mais le leader centriste a semble-t-il définitivement renoncé à la 6° République pour laquelle il avait ardemment mené campagne en 2007.

Eva Joly est restée plutôt discrète sur ce sujet mais ses conseillers Jean-Vincent Placé ou Bastien François (voir l’intervention de celui-ci au débat de la C6R du 9 mars dans mon billet du 14 mars ici) ont tenu des propos innovants et sans ambiguïtés sur le nécessaire changement de République.

Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a promu la revendication d’une 6° République avec le succès que l’on sait le 18 mars à la Bastille (*). Curieusement son discours n’a pas abordé les questions afférentes à la rupture avec le présidentialisme. Elles sont renvoyées à l’assemblée constituante dont il réclame l’élection ; et il a déclaré par ailleurs qu’il serait "le dernier président de la V° République".

Reste François Hollande qui a assez précisément développé à Dijon le 3 mars un programme de ce qu’il "veut changer" avec cette précaution : "Je ne suis pas venu vous présenter une nouvelle constitution. Nous en avons eu dix-neuf depuis la Révolution française, et nous devons faire une pause. Ce qui ne signifie pas -je veux rassurer certains de mes amis- de renoncer à faire évoluer notre texte fondamental dans le cadre d’une République nouvelle". Sa méthode est donc clairement exposée : ce qui va changer ce sera dans l’immédiat "une pratique" des institutions ; la réforme de celles-ci viendra plus tard. Il renoue ainsi avec la vision de Lionel Jospin qui avait fait de la formule "Présider autrement" son slogan de campagne. Comment Hollande compte-t-il s’y prendre ?

Il a énoncé douze champs d’application : quatre essentiels, deux importants, deux ordinaires, deux problématiques et deux très incertains. En voici le contenu.
 Les quatre engagements déterminants pour une autre pratique du régime sont : un contrat de législature (entre majorité parlementaire et gouvernement) vérifié chaque année ; de "nouveaux droits reconnus au parlement pour contrôler le gouvernement, enquêter sur les dysfonctionnements de l’administration, engager de grands débats" (ceci assorti de la fin du cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction d’exécutif local et de l’introduction d’une part de proportionnelle dans l’élection législative) ; la restauration de la responsabilité du Premier ministre et du gouvernement (soit un retour à la lettre des articles 20 et 21 de la constitution) ; l’inscription de la démocratie sociale dans la constitution (autrement dit présider par la concertation tant avec les partenaires sociaux qu’avec les collectivités locales).
 Deux projets sont importants : celui visant à renforcer l’indépendance de la magistrature (par une réforme du Conseil supérieur de celle-ci) et de l’information (par une nouvelle procédure de désignation par le parlement des membres de l’instance de régulation).
 Deux promesses sont un retour à la normale après cinq ans de sarkozysme ; respecter l’administration, des préfets aux magistrats ; exercer une présidence indépendante du/des partis, des puissances d’argent et des religions ("être le garant de la laïcité").
 Deux énoncés sont problématiques, l’un par ses omissions, l’autre par son imprécision. Les omissions concernent le référendum qui sera réservé à deux cas de figure : une révision de la constitution et un transfert de souveraineté à l’Union Européenne. Rien sur le référendum d’initiative parlementaire (nouvel article 11 de 2008) ni sur un référendum d’initiative populaire pourtant inscrit dans le projet socialiste (mais mention est faite d’un "droit de pétition élargi, reconnu "à l’échelon local). L’imprécision concerne la décentralisation pour ce qui concerne la confusion des pouvoirs locaux : s’il est dit qu’une dose de proportionnelle sera introduite dans l’élection des conseillers généraux et que celle des conseils communautaires se fera au suffrage universel (indéniable progrès), le flou demeure sur cette "loi sur les territoires de la République" qui sera votée "avant la fin de cette année". Pour autant sera installé un "Haut conseil des territoires" (à côté du Sénat ?) ; mais rien sur les structures de démocratie dite de proximité que la décentralisation est censée favoriser ni sur les cumuls de mandats locaux dans l’espace comme dans le temps.
 Enfin deux expressions sont plus qu’incertaines : selon la première, le nouveau président "décidera de l’essentiel" tout en rendant "des comptes tous les six mois sur l’évaluation des résultats par rapport aux objectifs". Curieuse formule laisse dans l’ombre le fonctionnement de la présidence sur des questions essentielles comme les nominations ou les représentations au Conseil ou dans les instances de l’Union Européenne. Quant à la seconde annonce : "le changement ce n’est pas seulement le changement d’un pouvoir. C’est le changement du pouvoir en France", elle est parfaitement énigmatique sauf à l’interpréter comme une ouverture à un changement de République.

Car le simple rééquilibrage des pouvoirs ou leur moralisation ne permettra pas de faire l’économie d’une refonte démocratique de la République. La V° est organiquement scellée à une présidentialisation forcée de son fonctionnement, à une tradition bonapartiste sans doute populaire mais a-démocratique. Elle entretient la confusion des pouvoirs et l’irresponsabilité générale du bas en haut de l’Etat.

C’est pourquoi "présider autrement" ce régime n’est pas tenable dans la durée, les années Mitterrand l’ont démontré. C’est pourquoi la question d’une 6° République s’imposera avant la fin du quinquennat à tous les démocrates et à la Gauche en particulier quelles que soient la bonne volonté et l’honnêteté du Président. L’alternance donnera le goût de l’alternative aux citoyens et la 6° République sera son nom.

(*) Martine Aubry a déclaré ce matin 27 mars sur France Inter que "si Mélenchon progresse dans les sondages, c’est parce qu’il parle de ce qui intéresse les Français". C’est donc reconnaitre que la 6° République suscite un réel intérêt. C’est nouveau au Parti socialiste.

On lira aussi le commentaire déposé le soir même par un participant à cette réunion . ICI

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