Quelle VIe et comment ?
par Paul Alliès, président de la C6R. Libération du 9 octobre 2014.
Une part de la crise majeure que traverse le pouvoir tient à la fermeture des institutions à l’égard de la société : l’exécutif tient par l’irresponsabilité vis-à-vis des électeurs et par l’autoritarisme vis-à-vis de sa majorité. Les socialistes auront, une troisième fois, renoncé à la moindre réforme de la Ve République et auront réussi à aggraver son présidentialisme.
De ce fait, il n’y a pas de crise de régime en ce sens que la Constitution protège une pratique oligarchique du pouvoir, mais il y a une crise politique majeure qui la met en question.
D’où une multiplication des appels à une VIe République : Europe Ecologie-les Verts, Nouvelle Donne, le Front de gauche et d’autres encore. Le premier secrétaire du PS annonce que cette question sera au centre du prochain congrès de son parti.
La Convention pour la VIe République (C6R) se réjouit de cette dynamique.
Dans ce contexte, l’appel de Jean-Luc Mélenchon occupe une place à part dans la mesure où il entend poursuivre les manifestations qu’il avait initiées en tant que candidat à la présidentielle en 2012. Il vient de lancer un Mouvement pour une VIe République à partir d’une pétition demandant l’élection d’une assemblée constituante. Cinquante personnalités ont appelé depuis à créer un comité d’initiatives pour la transformation des institutions, pour un mouvement national pour la VIe République. Pour le rejoindre, il faut signer la pétition pour la Constituante.
La C6R se félicite que la revendication d’une VIe République puisse prendre la forme d’un possible mouvement de masse. Elle formule cependant deux
remarques sur cette démarche.
1) La convocation d’une Constituante suppose, selon Mélenchon, « un mouvement populaire et qu’existe une force populaire suffisamment structurée et consciente ». La question des modalités précises de sa convocation reste donc entière d’autant plus que la Constitution de la Ve République permet d’imaginer diverses voies de révision et de changement de régime. Le débat sur ce point essentiel doit donc rester ouvert. La fétichisation d’une Constituante comme unique voie de passage à une VIe République risque de limiter les opportunités de changement de régime.
2) Les propositions de Mélenchon ont d’ores et déjà lié le texte de la nouvelle constitution à l’adoption de mesures normatives (la brevetabilité du vivant, le droit à l’avortement mais aussi la « propriété privée simple droit d’usage ») au motif que « c’est l’inscription dans la Constitution qui fixera les droits du temps long comme une règle commune opposable aux aléas des majorités et des circonstances au nom de l’intérêt général humain (1) ».
Le risque est d’introduire ainsi une confusion entre les principes généraux du préambule de la nouvelle constitution de la VIe République et le domaine de la loi relevant de majorités législatives différentes. La Constitution doit être un code démocratique pour la société et non un programme de gauche fixé une fois pour toutes.
D’autres sujets comme le référendum révocatoire (du mandat des parlementaires comme du président de la République) nécessitent également une discussion au fond. De même, la nature du futur régime (parlementaire et primo-ministériel) dès lors que d’aucuns, chez les socialistes notamment redécouvrent les charmes du régime présidentiel.
(1) « Le Monde » 19 septembre.
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