C6R
Convention pour la 6ème République

Accueil > Quelle VI° République et comment y parvenir ? > Réforme et révolution selon François Hollande

Réforme et révolution selon François Hollande

Élections locales, cumul des mandats, modes de scrutin, institutions : les changements annoncés.

dimanche 3 février 2013, par Paul ALLIES

Élections locales, cumul des mandats, modes de scrutin, institutions : le mois de janvier a été l’occasion pour le Président François Hollande de faire part de ses projets de réforme touchant au domaine politique . Dans cet article, publié sur Médiapart, Paul Alliès analyse en détail les réformes annoncées. S’il en ressort "une extension de la démocratie électorale"avec des modes de scrutins modifiés, le pouvoir du parlement "restera faible" et la question de l’indispensable révolution démocratique restera posée si l’on s’en tient à un simple " toilettage du présidentialisme". Bernard Vivien

La période des voeux vient de s’achever. F. Hollande l’a mise à profit pour distiller discrètement l’annonce de mesures qu’il compte prendre en 2013 dans le domaine politique. Passées plutôt inaperçues, elles s’ordonnent sur deux registres importants : une révolution de tous les scrutins du quinquennat ; une réforme a minima des institutions de la V° République. Le tout peut se résumer ainsi : une extension de la démocratie électorale ; un toilettage du présidentialisme.

La révolution d’abord : toutes les élections dans les quatre ans à venir vont être affectées par des modifications substantielles.

 Les municipales en mars 2014 connaitront deux changements au moins. En premier lieu, le seuil de population des communes où les conseillers municipaux sont élus à la proportionnelle sera abaissé. Il devrait passer de 3500 à 1000 habitants, un débat ayant déjà commencé entre le président de l’Association des Maires de France Jacques Pélissard qui est pour 1500 et Jean-Pierre Chevènement qui est pour 2000. Si on reste à un seuil de 1000 habitants, cela concernera 6700 communes qui connaitront une extension sans précédent de la parité dans leurs conseils mais aussi une forte dénotabilisation de leur élection que l’autorisation du panachage et même de candidatures isolées avec un scrutin de liste majoritaire encourageait. Cette politisation démocratique a un coût : le possible renfoncement du Front National dans les petites communes ; Marine Le Pen est arrivée en tête dans plus de 1000 communes aux présidentielles de 2012 et 839 d’entre elles seraient concernées par cette extension du scrutin de liste à la proportionnelle.

En deuxième lieu, le mode de désignation des élus intercommunaux sera modifié.
On sait que les 2581 conseils d’agglomération sont actuellement désignés au scrutin indirect à l’insu de l’électeur ce qui est une aberration démocratique vu l’importance des compétences et des budgets de ces instances. Cela fait dix ans que le PS et la gauche réclament leur élection au suffrage universel direct. Ce ne sera toujours pas le cas. Mais un "fléchage" sur les listes municipales permettra d’identifier ceux qui seront appelés à aller siéger dans les assemblées intercommunales. On peut au moins espérer un système paritaire avec l’identification du candidat à la présidence du conseil communautaire mais ce n’est pas acquis.

Si on ajoute à ces deux réformes la mise en oeuvre de Primaires ouvertes pour la désignation des têtes de listes dans quelques cas comme l’envisagent le PS et l’UMP mais aussi et surtout l’interdiction du cumul des mandats (on va y revenir), on pourrait bien assister à une vraie mutation de la démocratie municipale.

 Les élections européennes de juin 2014 seront l’occasion d’un retour à la circonscription nationale unique au lieu des huit inter-régionales établies par la loi du 11 avril 2003. C’est une proposition déjà votée par le Sénat le 23 juin 2010 et qui a été reprise par R.G. Schwartzenberg (Radical de gauche) à l’Assemblée Nationale. Cette modification entrainerait une repolitisation de ce scrutin à la proportionnelle intégrale. Sa renationalisation incitera les leaders des partis à conduire la liste (on parle de Désir ou de Royal chez les socialistes). On peut imaginer le profit qu’en tirera Jean-Luc Mélenchon. Seule l’UMP reste pour l’instant ouvertement contre et on peut comprendre pourquoi vu sa crise interne.

 Les élections sénatoriales en septembre 2014 se dérouleront avec un corps électoral accueillant les nouveaux délégués des communes mais avec des conseillers généraux et régionaux élus en 2010 et 2011 (dans des élections largement remportées par la gauche).

Cette morphologie avantageuse pour la majorité en place sera confortée par le rétablissement du scrutin proportionnel dans les Départements élisant trois sénateurs au moins et par un rééquilibrage du collège électoral communal en faveur des villes (les petites étant aujourd’hui sur-représentées ce qui avantage la droite). Tout ceci fera du Sénat au statut et à la fonction inchangés une chambre plus représentative élue majoritairement à la proportionnelle.

 Les élections cantonales (départementales) ont été reportées à mars 2015 et seront couplées aux régionales. Elle se feront avec un nouveau mode de scrutin binominal paritaire parfaitement inédit. 4000 "conseillers départementaux" remplaceront ainsi le "conseiller territorial" de Sarkozy dans les 101 Conseils Généraux.
Le nombre des cantons sera divisé par deux ; un redécoupage sera fait par arrêté du Ministère de l’Intérieur en tenant compte des bases démographiques soit un écart maximum de 20% en plus ou en moins du quotient départemental contrôlé par le Conseil d’Etat. De ce seul fait le nombre des élus des zones rurales pourrait être divisé par deux ou trois au profit de ceux des agglomérations.
En outre le seuil de 12,5% des inscrits à réunir au premier tour pour pouvoir se maintenir au second sera abaissé à 10% ; cela aura pour conséquence de rendre plus nombreuses les triangulaires avec des candidats du Front National notamment. En l’état actuel des choses cette réforme a été repoussée par le Sénat le 18 janvier dernier du fait de l’abstention du PC et des Verts favorables à une proportionnelle intégrale au scrutin de liste départemental.

Quant aux régionales, leur mode d’élection ne changera pas mais elles seront affectées par la mise en place d’un Haut Conseil des Territoires et des Conférences Régionales qui modifieront la répartition des compétences et les rapports de force avec les Métropoles et Départements tels que prévus dans l’acte III de la décentralisation.
 
Enfin les élections législatives en 2017 pourraient être celles d’un grand tournant : le nombre de députés pourraient être fortement réduit et un pourcentage d’entre eux élu à la proportionnelle. Par ailleurs devrait s’appliquer alors l’interdiction générale de tout cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale, ceci valant aussi bien pour les députés que pour les sénateurs (au grand désespoir de F. Rebsamen). Il n’y aura pas de dérogation à cette règle, en particulier démographique : toutes les communes même les plus petites seront concernées.

La loi sur l’interdiction du cumul des mandats sera assortie d’un statut de l’élu ; elle sera déposée d’ici l’été prochain mais ne s’appliquera pas à l’occasion des municipales de 2014 à moins que les suppléants ne soient autorisés à remplacer ipso facto le député comme le suggère C. Bartolone. Trop de cumulards annoncent leur intention de ne conserver que leur mandat local ce qui pourrait provoquer une soixantaine d’élections législatives partielles au printemps de l’année prochaine ; or il n’y a pas lieu à de telles élections un an avant le renouvellement de l’Assemblée Nationale d’où le renvoi à 2017.

Toutes ces mesures ont été évoquées par François Hollande au cours de ses voeux divers et variés durant ce mois de janvier. Ensemble, elles forment une quasi révolution du système électoral en le démocratisant incontestablement. Il n’en va pas de même pour ce qui concerne la réforme des institutions de la V° République. 

La réforme constitutionnelle annoncée n’est pas négligeable puisqu’y figurent la révision du statut pénal du chef de l’Etat, celle du Conseil supérieur de la magistrature, la suppression de la Cour de Justice de la République et celle des membres de droit du Conseil Constitutionnel ( les anciens présidents de la république ne pourront plus y siéger mais seulement à compter de 2017 si F. Hollande ne se représente pas ou est battu, de 2022 s’il est réélu). A cela s’ajouterait la modification déjà évoquée de l’élection législative et du nombre de députés.

A l’évidence la procédure préférée est celle du Congrès qui exige une majorité des 3/5° des parlementaires réunis dans une même assemblée pour la circonstance.

C’est ce qui explique le choix des mesures consensuelles qui figurent dans la liste ci-dessus ; et l’absence du droit de vote des non nationaux extra européens aux élections locales pour lequel le soutien d’une trentaine de députés de l’opposition est espérée.

François Hollande n’a toutefois pas complètement écarté l’hypothèse d’un référendum auquel seraient soumis par exemple à la fois la réduction du nombre de députés, le cumul des mandats et le droit de vote des immigrés. Intervenant vers la fin de son mandat, il serait de nature à donner un nouvel élan à sa mandature.

Quoi qu’il en soit de la procédure de révision, force est de constater que le déséquilibre de la V° République demeurera en l’état : le pouvoir du parlement restera faible et celui du président dominant et envahissant. Aucune des institutions concernées (CSM, Sénat, Assemblée Nationale, Présidence de la République, Conseil Constitutionnel) n’est repensée dans une logique de contre-pouvoirs et de parlementarisme modernisé. C’est bien d’un toilettage du présidentialisme dont il est question que l’extension de la démocratie électorale ne mettra pas en cause.

En ce sens la possible dynamique d’une réforme d’ampleur laisse entière la question d’une révolution démocratique dont la France a besoin.

Répondre à cet article