Yannick Jadot, encore un effort
Sa déclaration en faveur d’un régime parlementaire mérite qu’on s’y arrête. Pour ne pas en rester au stade des intentions sans lendemain, elle doit être précisée.
C’était ce dimanche 12 décembre sur France Info : « Je veux redonner à notre pays un régime parlementaire. (…) Le vrai couple qui va diriger notre pays, c’est la présidence de la République et celle de l’Assemblée nationale devant laquelle le gouvernement sera responsable. (…) C’est un engagement ».
C’est un programme minimum bien qu’ambitieux :
– Minimum : curieusement il est silencieux sur le rôle du Premier ministre (qui serait une femme), et raccord avec le texte de l’article 20 de l’actuelle Constitution (« le gouvernement est responsable devant le Parlement »). Il reste donc en deçà de propositions déjà anciennes, d’amendements à la lettre de la V° République, pour corriger sa pratique présidentialiste. Par exemple celles du Peterson Institute, importante fondation américaine, qui jugeait dès 2014, la France « entravée par son régime semi-présidentiel »[1]. Il suffirait de supprimer dans l’actuelle Constitution, les articles 8 (le pouvoir de nomination-révocation du Premier ministre par le président de la république), 12 (son droit de dissolution de l’Assemblée nationale), et 15 (sa qualité de chef des armées) en conservant l’article 21 qui fait du Premier ministre le « responsable de la Défense nationale. Sans même toucher au mode de scrutin (Y. Jadot est pour une proportionnelle intégrale paritaire), la France se doterait ainsi d’un régime primo-ministériel où le Parlement retrouverait ses droits.
– Ambitieux, ce programme l’est, car il nécessite une révision de la Constitution. D’abord, il importe de dire comment on procèdera pour rassurer les électeurs. Les partisans du statu quo mobiliseront les intégristes de l’article 89 qui a voué à l’échec toute réforme significative. Ce qui avait conduit De Gaulle, voulant moderniser le Sénat en 1969, à emprunter la voie de l’article 11. Mais celle-ci ne saurait devenir une opération plébiscitaire contre l’Assemblée nationale. C’est ce qu’a bien vu la Fondation pour la Nature et l’Homme (ex Nicolas Hulot) qui a adopté en Février 2017, un rapport très détaillé (« Osons le big-bang démocratique ») faisant une large part à la démocratie participative pour impliquer réellement la volonté populaire dans cette transformation démocratique.
La Convention pour la 6° République avait fait de même en septembre 2014 avec sa 18 ° proposition(Une adaptation de la Constitution au changement social, facilitée »).
Il ne suffit donc pas d’exprimer sa faveur pour une 6° République. Il faut dire comment on réforme (ou on sort de) la V°. Pour deux raisons :
– Les « engagements » des candidats en campagne, pour un mieux disant démocratique sont légions. Depuis F. Mitterrand en 1974 (« Le but de la droite, garder le pouvoir ; mon projet, vous le rendre ») jusqu’à F. Hollande en 2012 (promettant une « révision constitutionnelle concernant les élections présidentielles et législatives »), le cimetière des espoirs déçus n’a cessé de s’agrandir. C’est le problème de la déclaration présente de Y. Jadot. Il doit dire de quoi est fait précisément son engagement.
– Comme d’ailleurs tous les candidats déclarés doivent dire comment ils voient advenir un nouveau régime. A. Montebourg s’en est tenu, ce même dimanche sur BFM TV, à évoquer une 6° République comme sa cinquième proposition à mettre dans le pot commun des Primaires. J.L. Mélenchon s’est depuis longtemps prononcé pour une Assemblée constituante selon des modalités qui mériteraient d’être débattues.
A l’évidence il y a matière pour que ce débat, Primaires ou pas, s’engage d’ores et déjà entre les candidats. La question démocratique est restée jusqu’ici trop absente de la campagne. Elle est pourtant un sujet qui tient au cœur des Français.
Paul Alliès
[1]Jacob Funk Kirkegaard, Why France Needs Political Reform » (Pourquoi la France a besoin d’une réforme politique). Peterson Institute for International Economics. 29/10/14