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Pourquoi la France a besoin d’une réforme politique, une note de la fondation Peterson Institute

mercredi 19 novembre 2014, par Bernard VIVIEN

Dès le 10 novembre ici même on faisait état d’une note du "Peterson Institute" (Washington) particulièrement significative : cette fondation libérale très influente aux Etats-Unis, posait la question de la responsabilité des institutions de la V° République dans la dépression économique française. L’auteur Jacob Funk Kirkegaard appelait à un changement de régime. Il concluait en espérant que M. Valls y parvienne. C’est ignorer l’attachement déjà ancien ce dernier aux institutions telles qu’elles sont. Mais l’important est ce que ce texte dit d’une compréhension des rapports entre l’économie et la démocratie parlementaire ; une compréhension dont s’avèrent cruellement incapables les partis de gouvernement, le PS en particulier. On pourra en lire ci-après l’intégralité traduit par Jean-Louis Legalery. Mediapart et c6r.org sont les seuls sites français a avoir fait et publié ce travail.

"Pourquoi la France a besoin d’une réforme politique."

Note du Peterson Institue, traduite par Jean-Louis Legalery

"En dépit des plaisanteries peu flatteuses qui ont circulé récemment, la France n’est pas un panier économique vide. Dotée de nombreuses industries compétitives à haute valeur ajoutée, la France attire également plus de touristes que n’importe quel autre pays dans le monde. Depuis le pic cyclique du début de l’année 2008, elle a accompli beaucoup plus que n’importe quel pays de la zone euro, de sa périphérie et des îles au large du continent européen, selon les indicateurs qui comptent vraiment — tel que le PNB réel par habitant —.
 Figure1 (non reproductible ici)
La Figure 1 montre comment le PNB réel par habitant, malgré la stagnation depuis 2011 et malgré l’absence de reprise consécutive aux niveaux antérieurs à la crise, a néanmoins réussi à rester au-dessus de l’Italie (authentique désastre parmi les grands pays européens), l’Espagne, le Royaume-Uni (malgré la vantardise du chancelier de l’échiquier George Osborne) et de la moyenne européenne.

Cependant la France fait face à de nombreuses échéances économiques qui doivent être prises en considération. La Figure 2 illustre la combinaison toxique d’un secteur public pléthorique et de marchés du travail sclérosés.
Figure 2 :(non reproductible ici)
Avec 57 % du PIB, le secteur public français est plus vaste que dans n’importe quelle autre région du monde, à l’exception de la Scandinavie. Cependant les français travaillent moins en moyenne pour financer leur secteur public que n’importe quelle autre économie avancée (les heures travaillées par individu constituent l’indicateur disponible le plus en vue et prennent en considération le taux d’inactivité, l’âge de la retraite, le mi-temps, le temps partiel et le lien temps). Etonnamment, avec 605 heures travaillées par an et par individu, la contribution au travail par le citoyen français moyen est plus basse que les 608 heures enregistrées en Espagne — un pays dont le taux de chômage à l’époque était de 25% !

La passion de la France pour les loisirs est souvent citée pour expliquer ce comportement. Néanmoins, la France n’a pas plus de jours de congé payés et légiférés que la plupart des autres pays européens — autour de 30 par an — et le système politique n’a pas satisfait les aspirations aux loisirs des citoyens plus que nulle part ailleurs en Europe. On entend parfois dire que les français peuvent se permettre de travailler moins en raison de la productivité. C’est vrai, le PIB français par heures travaillées est élevé, mais cette affirmation néglige le fait que le chiffre donné est une moyenne et de nombreux travailleurs des secteurs de basse productivité sont inactifs en France. Si le pays réussissait à améliorer la contribution au travail et à embaucher plus de jeunes, plus de travailleurs parmi les plus âgés et plus de gens à faible qualification, la productivité moyenne enregistrée chuterait. Enfin, l’utilisation de la main d’œuvre en France est médiocre parce que le marché du travail est régulé de façon médiocre et penche, en fonction de l’âge, en faveur de ceux qui sont déjà dans le marché du travail. Si ce système n’est pas réformé, la France ne pourra pas rétablir la croissance économique.

Réduire la présidence française à une taille européenne normale de fonctionnement

Cependant la France a plus besoin d’une réforme de son système politique que de sa structure économique. Tout comme les effroyables sondages de satisfaction du congrès américain constituent une mise en cause sérieuse de la légitimité du système politique américain, un nombre de satisfaits aussi bas que 15% — celui du président François Hollande en septembre 2014 — est aussi une critique publique forte de la structure politique de la France. Le système semi-présidentiel de la France fait figure d’exception singulière en Europe, où tous les autres pays membres de l’UE ont une variété de régimes parlementaires, dans lesquels le chef de gouvernement est choisi par une majorité de parlementaires1, reléguant le chef de l’état essentiellement à des tâches de représentation. Les français élisent directement leur président, qui exerce un pouvoir politique considérable. Le président français choisit le premier ministre, bien que le candidat doive s’assurer d’une majorité au parlement. Le parlement peut seulement désavouer un premier ministre qui ne démissionne pas de son propre chef. Le président peut dissoudre le parlement et convoquer de nouvelles élections, il est le chef des armées et de la force nucléaire. Globalement le président domine la politique française et être élu à la présidence constitue la récompense suprême du parcours politique du pays.

Dans des pays vastes et hétérogènes, tels que les Etats-Unis, cela a probablement un sens d’élire un président exécutif fort pour fonctionner comme le symbole de l’unification de la nation. Mais, bien qu’en 1962 Charles de Gaulle se soit demandé comment il est possible de gouverner un pays qui a 246 variétés de fromage, il est hautement douteux que l’hétérogénéité française puisse garantir un tel système semi-présidentiel.

La camisole de force qu’est la présidence empêche la France de mettre sur pied une grande coalition parlementaire stable qui est en vigueur dans la plupart des pays européens de nos jours. Les courants de centre-droit et de centre-gauche en France ne s’associeront jamais pour faire adopter des réformes économiques de bon sens, puisque chacun tentera de saper les chances de l’autre de gagner la prochaine élection présidentielle. Et le fait d’avoir une cohabitation entre un président et un parlement de convictions politiques différentes ne change pas cette dynamique de destruction politique.

La gestion politique de la France est donc singulièrement mal équipée pour faire face au défi à l’échelle régionale proposé par les nouveaux mouvements populistes qui incluent des éléments de l’extrême droite et de l’extrême gauche. Le FN à l’extrême droite en France est un exemple classique du parti populiste européen exclusif sur le système social et qui, sur une base nationaliste d’extrême droite, combat l’immigration, la mondialisation et l’UE, tout en promettant maintenir les politiques de protection sociale (créées par la gauche) pour le peuple. Dans d’autres systèmes parlementaires européens, ce type de partis politiques peut être politiquement apprivoisé par le biais de grandes coalitions centristes majoritaires, ce qui réduit, de façon attendue, leur influence dans des domaines politiques précis (d’ordinaire l’immigration). En France, pourtant, de telles manœuvres ne sont pas politiquement possibles, et le défi politique du FN n’est pas en adéquation avec les partis politiques majeurs engagés dans un duel réciproque permanent.

Le système de l’élection présidentielle à deux tours va continuer à saper la position des futurs présidents français. Il semble d’ores et déjà probable que l’élection présidentielle de 2017 soit devenue une course pour la deuxième place. Bien qu’il soit probable que Marine Le Pen du FN arrive en tête au premier tour, il est cependant improbable qu’elle devienne présidente au second. Mais le vainqueur dirigerait un mandat politique négatif qui consisterait « à ne pas être Marine Le Pen », il serait un chef sans mandat populaire pour conduire ou mettre en œuvre le changement dont la France a besoin.

La France doit changer son système, de préférence en réduisant le statut de sa présidence pour la mettre au niveau essentiellement cérémonial qui existe dans les autres républiques européennes. Au moins, elle devrait abolir les articles 8, 12 et 15 du Titre II de la Constitution, et ainsi abolir le droit du président de nommer le premier ministre, de convoquer de nouvelles élections et d’être le chef des armées.
Les défis d’aujourd’hui exigent que soit terminée l’ère où l’on élisait et régulièrement un nouveau roi et on en changeait tout aussi régulièrement.

La fin du scrutin législatif à deux tours

Le scrutin présidentiel et législatif à deux tours est encore plus nocif 2. Le système a connu un certain attrait dans le sillage de l’éparpillement politique fréquent et de l’instabilité des IIIème (1870-1940) et IVème (1946-1958) Républiques. Mais de nos jours le système sert à perpétuer des mouvements politiques bizarres 3, particulièrement à gauche, puisque les électeurs votent traditionnellement avec leur cœur au premier tour et avec leur raison au second. Les deux tours des élections législatives engendrent un processus électoral et un résultat analogues à ce qui se passe aux Etats-Unis comme résultat du tripatouillage électoral et du système à deux tours des élections primaires et officielles. Tout comme le redécoupage des circonscriptions crée des sièges assurés pour les idéologues partisans de la Chambre des Représentants aux Etats-Unis, les votes de premier tour éparpillés et les retraits souvent accordés de façon stratégique au second tour des élections législatives engendrent des circonscriptions taillées sur mesure pour les utopies politiques 4. C’est surtout un problème pour la gauche française, puisque divers partis et factions de gauche dans le genre du Tea Party sont pratiquement assurés de gagner des sièges au parlement sans s’adresser à l’électeur moyen, en se mettant d’accord pour ne pas s’opposer mutuellement au second tour, et participent de la perpétuation électorale de l’éparpillement idéologique. Tout comme aux Etats-Unis une victoire, lors d’une élection primaire dans une circonscription confortable, conduit à une victoire le jour de l’élection, de la même manière en France arriver en tête d’un groupe de candidats de gauche au premier tour est généralement suffisant pour s’assurer un siège. En France les candidats de gauche excentriques peuvent souvent s’assurer 15 à 20% au premier tour, ce qui peut être suffisant pour arriver en tête des candidats de gauche — dans des circonscriptions ancrées à gauche — et gagner au second tour, alors que d’autres n’arrivent pas à franchir le cap ou abandonnent. Dans ce cas le candidat de gauche arrivé en tête affronte un seul opposant de droite.
Il est grand temps, comme l’a dit récemment le premier ministre Valls, « d’en finir avec la vieille gauche » 5.
Fixer un seuil de représentation élevé, pour n’importe quel parti, sans doute analogue aux 5% des votes en Allemagne, éviterait l’éparpillement et une prolifération des partis. Sans cette réforme, il est peu probable que la France revienne sur les sommets de l’Europe.

1 Au sens strict du terme une majorité confortable n’est pas toujours nécessaire, mais, au moins, un premier ministre ne peut pas perdre un vote de confiance.
2 Chacune des 577 circonscriptions françaises envoie un député au parlement. Un candidat peut être élu au premier tour s’il reçoit une majorité de voix et que plus d’un quart des électeurs ont voté. Si aucun candidat n’est élu au premier tour, les deux candidats arrivés en tête sont automatiquement qualifiés pour le second tour, où le candidat qui recueille le plus de suffrages est élu.
3 Les candidats lors de l’élection présidentielle de 2012 qui représentaient des groupes tels que le Front de gauche, le NPA et LO ont reçu environ 13% des suffrages.
4 La plupart existent dans la gauche française, bien que la même logique existe à droite, qui, cependant, a été plus discipliné politiquement et relativement moins fragmenté.
5 « Il faut en finir avec la gauche passéiste ».

Pour lire l’article publié le 10 novembre et évoquant cette note, c’est ICI

2 Messages

  • C’est vrai, la France a besoin d’un changement de régime politique, et on en est conscient, même à l’étranger. Toutefois, si on veut sortir des écueils de futurs régimes, il est nécessaire d’aller plus loin, en direction d’une démocratie, même minimale, que les régimes existant à l’étranger, même s’ils paraissent aller dans la bonne direction. En effet, les régimes de l’étranger se sont adaptés plus ou moins bien aux nations concernées, Mais la France du futur ne peut se contenter du modèle actuel de nations ayant des contingences différentes. Selon moi, une réflexion de fond est nécessaire.

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  • Pourquoi la France a besoin d’une réforme politique, une note de la fondation Peterson Institute Le 11 décembre 2014 à 17:00 , par michel-la-six.over-blog.com

    Bonjour.
    C’est bien la première fois que j’entends (?) dire que La France a besoin, même pas pour grandir mais pour rester Elle Même, de faire tout autre chose que quelques réformettes dans le Cadre présent de Notre République et de "L’Europe" actuelle, sans voir les yeux du Monde, qui en espère plus. La seule voie possible est le bouleversement de nos immobilismes, tous figés que nous sommes dans cette alternative du Libéral Total ou de l’Échec certain. Il est facile de voir, on peut le constater, que la première option se heurte, en cycle répété, à des effondrements passés, présents, certainement futurs, inhérents au système d’une Propriété faite de jeux d’argent plus que d’emprunts, d’achats, où la Banque a un rôle. Votre Analyse est juste. Je Vous en remercie.

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