"Le PS a réuni hier soir mercredi 2 février son Forum sur les institutions où Manuel Valls a présenté son rapport avec le soutien de Martine Aubry.
J’y ai pris la parole au nom de la Convention pour la 6° République (C6R) pour dire en substance ceci :
• Les 53 propositions contenues dans le texte ne posent pas de problème particulier sauf qu’elles sont un catalogue qui n’entraîne aucune conséquence sur la nature bonapartiste de la V° République. Ainsi le droit de dissolution y est soigneusement conservé en l’état alors qu’il faudrait le donner au Premier ministre.
• Ce régime est organiquement déséquilibré : depuis 50 ans tous les Présidents quels qu’ils soient, ont envahi tous les autres pouvoirs. La France est le pays où la responsabilité politique n’existe quasiment plus et cela provoque une désaffection dans l’opinion vis-à-vis des institutions qui est plus profonde qu’ailleurs et qui s’étend aux pouvoirs locaux (voir le dernier rapport du Cevipof).
• Des propositions pragmatiques existent pour évoluer vers un autre régime. Elles supposent d’être très précis sur les voies du changement comme le faisait le rapport Bel en 2007. Ainsi l’intention de procéder à un référendum selon la procédure de l’article 11 ne peut s’imaginer que si le ou la candidate de gauche fait campagne sur quelques propositions significatives aux yeux des démocrates ; sinon le Conseil Constitutionnel aura beau jeu de dénoncer un détournement de la procédure référendaire hors l’article 89. Or le rapport Valls esquive ce problème rendant peu crédible l’adoption de ses « mesures phares ».
• Pour cela il faut vouloir le débat et non l’étouffer comme le fait le rapport Valls : il écarte tout autant le régime parlementaire (comme si ce ne pouvait être qu’un régime d’assemblée, donc un retour à la IV° République) que le régime présidentiel (qu’il confond avec le présidentialisme bonapartiste à la française). C’est parfaitement caricatural et même ridicule. La 6° République pourrait être un régime présidentiel si cela voulait dire l’avènement de contre-pouvoirs comme ils existent aux Etats-Unis. D’ailleurs Dominique Strauss-Kahn ou Vincent Peillon et d’autres se sont déjà prononcés en ce sens. Va-t-on les faire taire ?
Ce texte est donc une formidable régression du Parti socialiste vis-à-vis des réflexions qui ont jalonné les dix années écoulées.
Ces dix années sont celles qui nous séparent du 21 avril 2002 quand déjà Lionel Jospin après avoir « gouverné autrement » pensait pouvoir gagner la Présidentielle en « présidant autrement » (mot d’ordre central de sa campagne) en faisant comme si les institutions de la V° République pouvaient se résumer à leur pratique par un seul homme.
Cet aveuglement a « impuissanté » la gauche. Elle esquive toujours autant la révolution démocratique dont la France a tant besoin et dont les peuples du Maghreb et du Machrek montrent l’aspiration universelle.
La 6° République en France est l’actualité de cette aspiration. Au moment où toutes les formations de gauche et même au-delà se montrent disposées à en débattre, il est consternant que le PS soit en train de s’en exclure.
La Convention pour la 6° République a accompagné la politisation de la question constitutionnelle de cette dernière décennie. Elle a toujours défendu l’avènement d’une République parlementaire, donc d’un régime primo-ministériel qui la mettrait au diapason de tous les autres pays membres de l’Union Européenne (tous sans exception rejoint ce système même ceux qui s’étaient inspirés de la Constitution française dans les années 70 et 80).
Ce n’est pas le grand soir mais c’est la volonté d’en finir avec des pratiques délétères dont le sarkozysme n’est que le nom provisoire. Pour qu’il n’ait pas de postérité, à droite comme à gauche, il faut se montrer intransigeant sur la question démocratique et le changement constitutionnel afférant.
Voilà pourquoi la C6R poursuivra ce combat avec ou sans le Parti socialiste. C’est maintenant qu’il faut la rejoindre.
Paul Alliès, le 3 février 2011
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